Agir pour les orphelins

Grandir avec l'absence

Elisabeth Bost & Karine Dusfour. Editions Robert Laffont. 2020

13 avril 2020

Orphelins trop tôt, ils se racontent

Treize personnalités racontent leur parcours d’orphelins : le choc du décès, le manque, le regard des autres qui change, et une construction personnelle inévitablement différente.

Un livre touchant où des personnalités telles que Clémentine Autain, Cali, Jean-Pierre Elkabbach, Elie Semoun, Nicolas Hulot, Sarah Biasini ou Joann Sfar nous livrent pudiquement leur vécu.

Elisabeth Bost & Karine Dusfour ont également coréalisé le documentaire « Destin d’Orphelins ».

Orphelinage : en finir avec le silence

Karine Dusfour, documentariste, était âgée de 12 ans quand son père périt dans un accident d’avion. Élisabeth Bost, journaliste et scénariste, est la mère d’un adolescent dont le père est mort quand il avait cinq ans.

Grandir avec l’absence, l’ouvrage qu’elles consacrent aux parcours d’orphelins, donne la parole à des personnalités qui livrent des témoignages aussi divers qu’inspirants.

Karine Dusfour revient sur la genèse de ce projet et sa principale ambition : favoriser le dialogue avec les enfants orphelins.

Entretien avec Karine Dusfour

Quel est le fil rouge de votre carrière de documentariste ?

Je voulais être journaliste, mais j’ai finalement choisi le documentaire, un format qui permet de creuser les problématiques. Plusieurs de mes films traitent des psychotraumatismes, comme ceux causés par les violences faites aux enfants ou les violences sexuelles.

Davantage qu’une volonté initiale, c’est un cheminement naturel qui m’a conduit à interroger les silences de la société. J’ai moi-même été confrontée au silence, qui m’a presque davantage marqué que la mort de mon père en elle-même. Si je vais vers les autres, c’est justement pour poser les questions qu’on ne m’a jamais posées. On aborde enfin le poids du silence avec des mouvements comme #MeToo, mais on ne prend pas assez en compte l’impact du silence sur les psychotraumatismes des enfants, alors qu’ils imprègnent leur personnalité et influencent tout leur parcours de vie.

Comment s’est faite la rencontre avec Élisabeth Bost ?

Par l’intermédiaire d’une productrice, elle-même orpheline. Nous avons d’abord réalisé un documentaire pour France 5, sur les parents restants. Il nous est très vite apparu qu’il fallait donner aussi la parole aux enfants dans ce film. Le sentiment de solitude qu’ils exprimaient nous a confortées dans l’idée de creuser davantage, en allant à la rencontre d’enfants orphelins devenus adultes. Le livre, auquel nous avons consacré deux ans, vise à montrer l’impact du décès d’un ou deux parents sur le parcours de vie.

À quoi correspond le choix de recourir à des témoignages de personnalité ?

Il n’était pas question de tomber dans le travers consistant à dire que l’orphelinage a été une force pour développer son art ou mener une carrière exceptionnelle. Il ne s’agissait pas non plus de violer leur intimité, d’être dans le voyeurisme. Ces personnalités artistiques, médiatiques, politiques présentent en revanche une grande capacité à mettre des mots sur leur vécu, à l’analyser et à prendre du recul, à parler de leurs failles. Des mots qui pourraient être des sources d’inspiration pour les autres. C’est avant tout aux enfants et adolescents que s’adresse ce livre, alors que le tabou de la mort reste très présent. Cet argument raisonnait en eux et les a convaincus de partager leur histoire.

À travers ce livre, Élisabeth et moi souhaitions aussi adresser un message à l’entourage, familial et éducatif : il est essentiel d’éviter cette chape de silence, de débloquer le dialogue. Susciter une chaîne d’échanges et de partage d’expérience favorise le cercle vertueux de la parole.

Le livre met en lumière une grande diversité de vécus et de parcours. Qu’est-ce qui vous a le plus marqué ?

Après chaque entretien, Élisabeth était toujours très marquée par le fait que nos témoins pensent encore tous les jours à leur parent décédé. Ils ont aussi en commun d’avoir connu ce silence — voulu ou non. Les familles sont désemparées par la mort prématurée d’un de leurs membres, c’est donc à la société de prendre le relais, via l’école, le monde associatif…

Les enseignants devraient être davantage sensibilisés, des protocoles de retour à l’école pourraient être mis en place. Il y a une façon d’interroger les enfants, d’expliquer que l’on est là pour lui : c’est une attente forte des orphelins, même si elle n’est pas toujours exprimée. Le personnel éducatif peut poser des questions simples sur le parent décédé — son prénom, son métier, ses passions, les souvenirs partagés, etc. — et ainsi contribuer à faire vivre le parent dans les paroles. Évoquer la mort n’est pas morbide, en revanche ne pas l’évoquer est dévastateur.

Quel message souhaitez-vous faire passer ?

Adultes, encouragez la prise de parole ! Ne vous fiez pas aux façades : l’enfant peut être en souffrance malgré ce qu’il exprime. Le recours à un tiers, qu’il s’agisse de psychothérapeutes ou de groupes de parole, offre un espace sécurisant, bienveillant et souvent nécessaire.

À mes yeux, les orphelins du Covid-19, les orphelins du Bataclan et des attentats de 2015, les orphelins du féminicide, et avant eux, les orphelins du Sida, sont les grands oubliés de notre société. Il y a une urgence à penser à eux, agir pour leur avenir et leur montrer que nous sommes collectivement solidaires d’eux.

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